Michel-Marie Derrion
Comment décrire en quelques mots la Fabrique ? Un canut répond : « La fabrique de soierie est semblable à un très vaste et unique jardin ayant inépuisablement d’eau pour suffire à toutes sortes de besoins, lequel jardin divisé par portions, aurait pour l’exploitation des ces mêmes portions autant de jardiniers libres que de plantes ou de fleurs » (Charnier). Toutefois ce jardin et son exploitation harmonieuse sont constamment menacés par des parasites dont le fouriérisme a désigné le modèle original : le négociant ou le commerçant. Alors, à Lyon se développe une réflexion sur des organisations alternatives pour les ouvriers, tant en matière de production, que, surtout, de consommation. « Au bruit de la fusillade » d’avril 1834, un négociant proche, lui, des ouvriers, un républicain, converti au fouriérisme, réfléchit au moyen d’émanciper les travailleurs ou, du moins d’améliorer leur quotidien. Il publie une brochure puis surtout, dans L’Indicateur, au tournant 1834-1835 une série d’articles « Améliorations industrielles » pour exposer sa solution permettant de « terminer d’une manière définitive la tourmente sociale ». Il propose une « vente sociale d’épicerie », premier exemple en France d’une coopérative de consommation dont le magasin sera baptisé « Au commerce véridique ». C’est un projet apparemment modeste, mais surtout, aux yeux de Derrion, un premier levier dans la réforme qui doit conduire à s’opposer à la « libre-concurrence » qu’il décrit comme « une mêlée où règne le désordre, la confusion, l’anarchie, dans laquelle on fait arme de tout, jusqu’à la fraude, jusqu’à la banqueroute, tout sert à s’enrichir ou à se ruiner mutuellement ». En février 1835 des souscriptions sont ouvertes dans L’Indicateur pour constituer le premier fonds social et ce « commerce véridique » qui permet d’obvier au despotimse du commerçant, ouvrira un premier magasin coopératif quelques semaines plus tard, puis six autres jusqu’à ce que la grave crise économique de 1837 mette fin à cette première expérience.
Peu après la fermeture en 1838 du dernier « Commerce véridique », Michel-Marie Derrion (1803-1850) partira au Brésil pour fonder un phalanstère, l’Union industrielle du Sahy (1841-1845).