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Transcription

Révolution prétendue des libertés, la Révolution de 1830 déçoit rapidement les ouvriers en soie de Lyon, les canuts. Ils attendent de Louis-Philippe, nouveau Roi-Citoyen, une réforme économique d’envergure permettant de limiter les abus qu’ils subissent de la part de certains négociants dans le cadre des transactions de la Fabrique (l’industrie lyonnaise de la soie organisée sur le modèle de la manufacture dispersée). Mais les Trois Glorieuses ont consacré une logique économique de dérèglementation, une logique funeste et liberticide pour les ateliers qui couvrent la colline de la Croix-Rousse et les vieux quartiers de l’ouest de la Saône. A l’écoute des premiers réformateurs sociaux, saint-simoniens puis fouriéristes, qui annoncent la naissance d’un nouveau monde industriel consacrant le travail, un partage équitable des richesses, un minimum de garanties et de solidarité pour les travailleurs, et la disparition des oisifs parasites, les canuts ce sont insurgés en novembre 1831. Dans le journal qu’ils viennent de créer, L’Echo de la fabrique, ils exigent un tarif, un prix minimum pour les différentes catégories de tissus, et, malgré les négociations engagées et la parole semble-t-il donnée par les autorités civiles et les négociants, leur revendication sera repoussée. Si certains négociants ont joué le jeu de ces négociations et accords collectifs, une majorité s’est dérobée. Les ouvriers engagent les combats le 21 novembre au cri de « vivre en travaillant ou mourir en combattant ». A la stupéfaction générale, ils vont d’abord capturer la ville, humiliant les autorités militaires et civiles obligées à une piteuse retraite. Puis, plus stupéfiant encore pour une opinion qui va chercher à les dépeindre comme les barbares des temps nouveaux, ils ont administré la ville une dizaine de jours en maintenant l’ordre et la propriété, avant de rendre les clés de la cité aux nombreuses troupes du Roi qu’ont fait converger vers Lyon le Maréchal Soult et le Prince d’Orléans. Les lendemains de la première insurrection n’apportent que de maigres acquis sociaux aux insurgés, frappés par la répression. Et le gouvernement de Juillet entame à partir de juin 1832 un virage plus conservateur encore. A Lyon, en 1833, la suture se réalise alors entre les organisations économiques issues de la Fabrique (le mutuellisme des canuts) et les organisations politiques républicaines, notamment la Société des droits de l’homme. En février 1834, les canuts décident une grève générale des métiers pour s’opposer à une nouvelle baisse du prix des façons touchant une fraction de leur profession ; même si la grève est brisée au bout de quelques jours, et que douze meneurs sont arrêtés, l’événement, inouï indique le degré d’organisation et de solidarité atteint par leurs associations. Bousculées et moquées en 1831, avides d’une revanche sur les ouvriers, les garnisons du Roi s’installent à Lyon, une ville qu’est venue transformer une ceinture de bastilles, - fort de Montessuy, fort Lamothe, fort Saint-Irénée.. – ; des bastilles que l’on suspecte dans les faubourgs d’être bien plus dirigées contre le peuple des canuts que contre les possibles envahisseurs étrangers, Sardes ou Autrichiens. Lors de ces premiers mois de l’année 1834 le pouvoir orléaniste veut définitivement briser l’opposition républicaine et ouvrière et charge son ministre de la Justice, Félix Barthe, d’une loi répressive sur les associations. Le 5 avril alors que doit débuter à Lyon le procès des meneurs de la grève de février, les associations, réunies dans un « comité d’ensemble » s’allient, menacent d’une nouvelle grève générale et adoptent le mot d’ordre « Association. Résistance. Courage ». Le 9 avril, l’exaspération est à son comble, et une provocation probablement policière met le feu aux poudres à l’entrée de la rue Saint-Jean où s’est élevée une première barricade. Débute alors la « sanglante semaine ». Les 9 et 10 avril la révolte paraît progresser et les combats s’étendent, de la presqu’île entre Rhône et Saône, aux quartiers ouvriers de Saint-Georges, Saint-Paul et Croix-Rousse, enfin aux limites de la cité, à Saint-Just, à la Guillotière et à Vaise. Mais en avril 1834, la troupe est désormais préparée à ces nouvelles guerres urbaines et les autorités militaires à la tête de dix mille hommes ont tendu un véritable piège aux quelques centaines d’insurgés mal armés. Les rues ont été quadrillées de façon à ne pas permettre la jonction des groupes d’insurgés ; en avril 1834, les poches d’insurrection sont isolées les unes des autres et les soldats vont pouvoir les réduire successivement et méthodiquement. Dès le 12 avril, les soldats du général Aymard passent à l’offensive à la Guillotière puis déclenchent un assaut meurtrier sur Vaise et sur la presqu’île. Partout les combats sont violents, les bombardements incessants et des exactions en nombres sont commises sur les combattants, mais aussi sur les civils. Le 13 avril, alors qu’une tentative d’insurrection a été violemment réprimée à Paris, les combats reprennent à Lyon où résistent encore les quartiers ouvriers de la Croix-Rousse et de la rive ouest de la Saône. Mais les différentes poches de résistance vont tomber les unes après les autres, la Croix-Rousse capitulant finalement en dernier, le 14 avril. Au soir des combats, près de 130 soldats ont été tués et plus de 200 civils, dont un grand nombre n’avait pas participé directement aux combats.

Translation

As a revolution that held out the promise of so many liberties, the Revolution of 1830 quickly disappointed Lyon's silk workers, the ‘canuts’. They expected of Louis-Philippe, the new Citizen King, the kind of serious economic reforms that would limit the abuses they faced from traders in Lyon’s silk industry (which was organized on a model of extended dispersal of production). But the ‘Three Glorious Days’ of 1830 resulted in the enshrining of a logic of economic deregulation, which was coercive and ultimately fatal for the workshops that covered the Red Cross hill and the old quarters of Lyon west of the Saône. In being receptive to the first social reformers, Saint-Simonians then Fouriérists, who proclaimed the birth of a new industrial world in which labour was coupled with an equitable sharing of wealth, a minimum set of guarantees and solidarity for workers, and the disappearance of a parasitic class of idle exploiters, the ‘canuts’ became insurgents in November 1831. In the newspaper they created, L’Echo de la fabrique (The Echo of Manufactory), they demanded a fixed tariff, a minimum price for the different categories of fabrics, yet despite ongoing negotiations and traders’ and the civil authorities’ assurances, their claims were rebuffed. While certain merchants participated in these negotiations and collective agreements in good faith, a majority were disengenuous. The workers turned to direct confrontation on 21 November with the cry of “live in working or die by fighting”. To general amazement, they will first capture the city, humiliated the military and civilian authorities forcing them into a dismal retreat. Then, even more astounding given their portrayal as new barbarians, they administered the city for ten days, maintaining order and property, before handing over the keys to the city to the troops of the King led by Marshal Soult and the Prince of Orleans. The days that followed this first insurrection saw only meagre social gains for insurgents, who suffered widely from repression. After June 1832 the July Monarchy turned in a more conservative direction. In Lyon, in 1833, economic organizations stemming from the mutualism of canuts linked up with republican political organizations, including the The Society of the Rights of Man (Société des droits de l’homme). In February 1834, the canuts voted for a general strike of trades to oppose a further drop in the price affecting a section of their profession. Even if the strike was broken after a few days, and twelve leaders were arrested, the event involved an unheard of degree of organization and solidarity between the various associations. Having been defeated and mocked in 1831, and eager for revenge on the workers, the King’s garrisons in Lyon established a ring of fortresses around the city– with forts in Montessuy, Fort Lamothe, Fort Saint-Irenaeus. These fortresses were seen as being erected in order to contain the canuts and the people rather than to defend them against possible Sardinian or Austrian invaders. In these first months of the year 1834 Louis-Philippe’s government sought finally to break worker and republican and workers opposition. The Minister of Justice, Felix Barthe inaugurated a repressive crackdown on the associations. On 5 April, when the trial of the leaders of the February strike was due to begin in Lyon, the associations, threatened a new general strike and adopted the slogan " Association. Resistance. Courage”. On April 9, tensions reached their height in the aftermath of what appears to have been a police operation to set fire to a powder keg at the entrance to St. John Street, where a first barricade was erected. That began the " bloody week”. On 9 and 10 April the revolt appeared to be progressing and fighting stretched from the peninsula between Rhône and Saône to the working-class neighbourhoods of Saint-Georges, Saint-Paul and Croix-Rousse, reaching to the limits Saint-Just, Guillotière and Vaise. But by April 1834, troops were prepared for this kind of new urban warfare and the military authorities heading ten thousand men ensnarred a few hundred poorly armed insurgents. The streets had been divided and squared in order to prevent insurgent groups from linking up. Pockets of insurrectionaries remained isolated from each other and soldiers were able successively and methodically to overpower them. On April 12, General Aymard's soldiers went on the offensive at the Guillotière and unleashed a deadly assault on Vaise and the peninsula. Fighting was fierce, with relentless bombardment and savage reprisals inflicted on both combatants and civilians. On 13 April, when an attempted uprising was violently suppressed in Paris, fighting resumed in Lyon, where the working-class neighbourhoods of Croix-Rousse and the western bank of the Saône still resisted. Inevitably the pockets of resistance fell one after the other, unitl Croix-Rousse finally capitulated on April 14. On those nights of fighting, nearly 130 soldiers and more than 200 civilians – many of whom had not been directly involved in the fighting – were killed.

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