Victor Prospert

L’un des portraits qui composent en 1833 la série de gravures « Détenus politiques, 5 et 6 Juin [1832] » est celui de Victor Prospert. Né vers 1800, décoré de la médaille de Juillet 1830, cet ouvrier tailleur républicain est déclaré coupable en novembre 1832 d’« attentat ayant pour but de renverser l’autorité royale et d’exciter la guerre civile » et condamné à dix ans de détention : présent le 5 juin 1832 aux funérailles du général Lamarque, il a participé aux premières heures de l’insurrection qui s’ensuivit ; il a été arrêté en fin de journée alors qu’il s’apprêtait à parlementer au nom d’un groupe d’insurgés.
Ses déclarations au cours du procès témoignent de convictions républicaines avancées : Prospert dénonce la misère de ses semblables et l’oppression que fait peser le régime de Juillet. Il présente une longue série de revendications politiques, économiques et sociales, parmi lesquelles figurent l’attribution de « droits politiques pour tous les Français majeurs jouissant de leurs droits et payant un impôt quelconque », la « suppression des impôts indirects » ou encore l’« agrandissement des maisons destinées aux infirmes et aux vieillards ».
En détention, il s’occupe de redistribuer les secours envoyés par les républicains aux détenus et il n’a de cesse de se faire reconnaître par le pouvoir comme prisonnier politique à part entière. Après l’amnistie royale de mai 1837 il s’installe à Rouen comme débitant de liquides, puis contrôleur des billets au théâtre des arts, puis tailleur d’habits.
Au lendemain de la révolution de février 1848 il est membre du conseil municipal provisoire de Rouen puis commissaire central. Mais, soupçonné d’avoir soutenu les insurgés lors des troubles d’avril 1848, il quitte Rouen pour Limoges, puis Paris — il y reçoit des secours comme ancien prisonnier politique —, puis Rouen où il devient commis-voyageur en vins et horloges. Son métier lui procure une indépendance de mouvement qu’il met à profit pour faire de la propagande dans la région rouennaise.
Il est arrêté et brièvement incarcéré en octobre 1852 en relation avec les suites du coup d’État du Deux-décembre 1851. Il meurt probablement vers 1855.

Transcription

One of the portraits that make up the series of engravings "Political prisoners, June 5 and 6 [1832]" is that of Victor Prospert. Born about 1800, decorated with the medal of the July Revolution of 1830, this republican tailor was convicted in November 1832 of "an attempt to overthrow the royal authority and to excite civil war" and was sentenced to ten years in detention. On the 5th of June, 1832, at the funeral of General Lamarque, he took part in the opening hours of the ensuing insurrection; he was arrested at the end of the day as he was preparing to parley on behalf of a group of insurgents. His statements during the trial bear witness to his advanced Republican convictions. Prospert denounced the misery of his peers and the oppression of the July regime. He presented a long series of political, economic and social demands, among which were  "political rights for all French people enjoying their rights and paying some kind of tax", the "abolition of indirect taxes" and the "enlargement of houses for infirm and old people". In detention, he was responsible for distributing aid sent by Republicans to detainees and he was consistently identified by the authorities as a political prisoner in his own right. After the royal amnesty of May 1837 he moved to Rouen as a distributor of liquor, then as a vendor of tickets to the theater, then as a tailor. In the immediate aftermath of the revolution of February 1848 he was a member of the provisional municipal council of Rouen and subsequently he became central commissioner. He was suspected of having supported the insurgents during the troubles of April 1848, and left Rouen for Limoges, then Paris – where he received help as a former political prisoner. He returned to Rouen as a salesman in wines and clocks. His job giving him an freedom of movement that he used to spread propaganda in the Rouen region. He was arrested and incarcerated briefly in October 1852 in the aftermath of the Coup d'Etat of December 2, 1851. He died around 1855.